Le rôle de la flunarizine dans le traitement des migraines vestibulaires

Le rôle de la flunarizine dans le traitement des migraines vestibulaires
28 octobre 2025 8 Commentaires Armand Dubois

Si vous souffrez de vertiges intenses, de nausées persistantes et de sensibilité à la lumière après un simple mouvement de la tête, vous pourriez avoir des migraines vestibulaires. Ce trouble, souvent mal diagnostiqué, touche jusqu’à 2,5 % de la population adulte. Et parmi les traitements préventifs les plus efficaces, la flunarizine occupe une place centrale - même si elle n’est pas toujours la première option proposée.

Qu’est-ce que la migraine vestibulaire ?

La migraine vestibulaire n’est pas une simple étourdissement. C’est une forme de migraine où le système vestibulaire - cette partie de l’oreille interne qui gère l’équilibre - devient hyper-sensible. Les crises peuvent durer de quelques minutes à plusieurs jours. Elles se manifestent par des vertiges rotatoires, une instabilité, des nausées, parfois des céphalées pulsatives, et souvent une intolérance au mouvement ou à la lumière. Contrairement aux migraines classiques, la douleur à la tête n’est pas toujours présente. Beaucoup de patients sont d’abord dirigés vers un ORL, puis vers un neurologue, après des examens inutiles : IRM, scanners, tests d’oreille. La clé ? Reconnaître le lien avec les mécanismes neurovasculaires de la migraine.

Pourquoi la flunarizine est-elle utilisée ?

La flunarizine est un bloqueur des canaux calciques de première génération. Elle agit sur les vaisseaux sanguins du cerveau et sur les neurones impliqués dans la transmission des signaux de vertige. Contrairement aux antihistaminiques comme la méclozine, qui soulagent les symptômes en temps réel, la flunarizine agit en profondeur : elle réduit la fréquence, la durée et l’intensité des crises. Elle ne fait pas disparaître les vertiges immédiatement, mais elle les rend moins fréquents et moins sévères sur le long terme.

Des études cliniques menées en Europe et en Asie montrent qu’entre 60 et 70 % des patients voient une réduction de plus de 50 % du nombre de crises après trois mois de traitement. Une étude publiée dans Journal of Neurology en 2023 a suivi 214 patients traités par flunarizine pendant six mois : 68 % ont rapporté une amélioration significative, contre 22 % dans le groupe placebo.

Comment la flunarizine agit-elle sur le système vestibulaire ?

Le système vestibulaire est connecté au tronc cérébral et à des régions du cerveau impliquées dans la migraine. Lors d’une crise, des vagues d’excitation neuronale - appelées « dépolarisation corticale étendue » - se propagent et activent les nerfs vestibulaires. La flunarizine bloque les influx de calcium dans les cellules nerveuses, ce qui diminue cette hyperexcitabilité. Elle stabilise aussi les vaisseaux sanguins du système vestibulaire, réduisant les micro-inflammations et les variations de flux sanguin qui déclenchent les crises.

Elle agit aussi sur les récepteurs de la sérotonine et de la dopamine dans le noyau vestibulaire, ce qui explique pourquoi elle est plus efficace que les traitements ciblant uniquement les vertiges mécaniques. C’est pourquoi elle est souvent comparée à la propranolol ou à la topiramate - mais avec un profil différent.

Flunarizine vs autres traitements : quelles différences ?

Comparaison des traitements préventifs pour les migraines vestibulaires
Traitement Efficacité moyenne Temps d’effet Effets secondaires courants Contraindications
Flunarizine 60-70 % de réduction des crises 4 à 8 semaines Somnolence, gain de poids, dépression légère Maladie de Parkinson, dépression sévère, grossesse
Propranolol 50-60 % 6 à 10 semaines Fatigue, rythme cardiaque lent, cauchemars Asthme, bradycardie, insuffisance cardiaque
Topiramate 55-65 % 8 à 12 semaines Fourmillements, perte d’appétit, troubles de la mémoire Calculs rénaux, glaucome, grossesse
Méclozine (à visée symptomatique) Effet temporaire 1 à 2 heures Somnolence, bouche sèche Glaucoma, hypertrophie de la prostate

La flunarizine se distingue par son efficacité sur les vertiges spécifiques, pas seulement sur les céphalées. Le propranolol, par exemple, est plus efficace pour les migraines avec aura. Le topiramate, bien qu’utile, a des effets cognitifs plus marqués. La méclozine, elle, ne prévient pas les crises - elle les atténue au moment où elles arrivent. Pour les patients dont les vertiges sont fréquents et invalidants, la flunarizine est souvent le choix de première ligne.

Schéma stylisé de l'oreille interne et du cerveau avec des ions calcium bloqués par la flunarizine.

Posologie et durée du traitement

La dose habituelle chez l’adulte est de 5 mg par jour, prise le soir pour minimiser la somnolence. Certains médecins commencent à 2,5 mg pour évaluer la tolérance. Il faut au moins 8 semaines pour juger de l’efficacité. La plupart des patients voient une amélioration après 4 à 6 semaines, mais les résultats optimaux apparaissent souvent après 3 mois.

Le traitement est généralement maintenu pendant 6 à 12 mois. Ensuite, une réduction progressive est envisagée. Arrêter trop vite augmente le risque de rechute - jusqu’à 40 % des patients retrouvent leurs crises dans les 3 mois suivant l’arrêt brutal.

Effets secondaires et précautions

La flunarizine est bien tolérée par la plupart, mais certains effets sont fréquents :

  • Somnolence (chez 1 sur 4 patients)
  • Gain de poids modéré (2 à 4 kg en 6 mois)
  • Dépression légère ou apathie (rare, mais sérieux)
  • Tremblements ou raideur musculaire (signe d’effet parkinsonien, surtout chez les plus de 60 ans)

Elle est contre-indiquée chez les personnes atteintes de maladie de Parkinson, de dépression sévère, ou de troubles du rythme cardiaque. Chez les femmes enceintes ou allaitantes, son usage est déconseillé : les données sont limitées, et les risques potentiels sur le fœtus ne sont pas entièrement écartés.

Si vous ressentez une fatigue inhabituelle, une perte d’intérêt pour vos activités habituelles, ou des mouvements involontaires, consultez votre médecin immédiatement. Ces signes peuvent être précoces d’un effet neurologique indésirable.

Quand ne pas utiliser la flunarizine ?

La flunarizine n’est pas un traitement pour les vertiges d’origine bénigne (comme le vertige positionnel paroxystique), ni pour les troubles anxieux. Elle ne remplace pas une rééducation vestibulaire - qui reste essentielle pour réapprendre à équilibrer son système nerveux. Elle ne doit pas non plus être utilisée en association avec d’autres bloqueurs calciques (comme le vérapamil) sans surveillance médicale stricte.

Elle est aussi moins efficace chez les patients qui consomment régulièrement de l’alcool, du café ou des aliments riches en tyramine (fromages vieillis, charcuteries, vin rouge). Ces substances peuvent réduire son efficacité ou augmenter les risques d’effets secondaires.

Patient marchant paisiblement dans un parc, libéré des crises de vertige, tenant son organiseur de comprimés.

Comment maximiser ses chances de succès ?

La flunarizine ne fonctionne pas comme une pilule magique. Son efficacité dépend fortement de l’adhésion au traitement et de la gestion des facteurs déclencheurs :

  1. Évitez les sauts de repas : la glycémie basse déclenche souvent les crises.
  2. Limitez le stress : la méditation ou la respiration profonde réduisent la fréquence des crises de 30 % chez les patients réguliers.
  3. Gardez un horaire de sommeil régulier : le manque de sommeil est l’un des principaux déclencheurs.
  4. Faites une rééducation vestibulaire : 20 à 30 minutes par jour d’exercices simples (ex : suivre un doigt du regard, se déplacer lentement) aident le cerveau à s’adapter.
  5. Évitez les lumières clignotantes et les écrans trop brillants : ils activent les mêmes voies neuronales que la migraine.

Ces mesures, combinées à la flunarizine, peuvent améliorer les résultats jusqu’à 80 % chez les patients disciplinés.

Et après ? Que faire si ça ne marche pas ?

Si, après 3 mois de flunarizine à bonne dose, vous n’avez pas vu de changement, il est temps de revoir le diagnostic. Est-ce vraiment une migraine vestibulaire ? Ou une autre affection comme une névrite vestibulaire, une maladie de Ménière, ou un trouble anxieux masqué ?

Les alternatives incluent la propranolol, la topiramate, ou dans certains cas, des traitements à base de CGRP (comme l’erenumab), encore peu étudiés pour les vertiges, mais prometteurs. Certains médecins combinent la flunarizine avec de la vitamine B2 ou du magnésium - des compléments dont l’efficacité est modeste mais sans risque.

Il n’existe pas de solution unique. Mais pour de nombreux patients, la flunarizine est le premier traitement qui leur redonne un peu de contrôle sur leur vie.

La flunarizine peut-elle provoquer une dépendance ?

Non, la flunarizine n’est pas addictive. Elle ne provoque pas de syndrome de sevrage comme les benzodiazépines. Cependant, arrêter brutalement peut entraîner un retour des vertiges, car le cerveau s’est adapté à son action. Il faut toujours réduire la dose progressivement sous surveillance médicale.

Combien de temps faut-il attendre pour voir les effets ?

Les premiers signes d’amélioration apparaissent généralement entre 4 et 6 semaines. Mais l’effet optimal se développe sur 3 mois. Il est inutile d’arrêter le traitement après seulement 2 semaines.

La flunarizine fait-elle grossir ?

Oui, chez environ 1 patient sur 5, un gain de poids modéré (2 à 4 kg) est observé sur 6 mois. C’est dû à une augmentation de l’appétit et à une légère réduction du métabolisme. Ce n’est pas systématique, mais il est utile de surveiller son poids et de maintenir une alimentation équilibrée pendant le traitement.

Puis-je conduire en prenant de la flunarizine ?

Pendant les premières semaines, la somnolence est fréquente. Il est fortement déconseillé de conduire ou d’opérer des machines jusqu’à ce que vous sachiez comment votre corps réagit. Une fois l’adaptation passée, la plupart des patients peuvent reprendre leur activité normale, mais toujours avec prudence.

La flunarizine est-elle disponible sans ordonnance ?

Non. La flunarizine est un médicament soumis à prescription médicale en France et dans l’Union européenne. Elle ne doit jamais être prise sans suivi médical, en raison des risques neurologiques potentiels.

Conclusion : un outil précieux, mais pas une solution miracle

La flunarizine n’est pas le traitement idéal pour tout le monde. Mais pour les patients atteints de migraines vestibulaires fréquentes et invalidantes, elle reste l’un des rares médicaments qui agissent directement sur la cause neurologique des vertiges - pas seulement sur les symptômes. Elle permet de retrouver une vie plus stable, plus prévisible. Ce n’est pas une solution rapide, mais une réhabilitation silencieuse du système nerveux. Avec patience, discipline et suivi, elle peut changer la vie.

8 Commentaires

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    Michel Rojo

    octobre 29, 2025 AT 03:51

    Je prends de la flunarizine depuis 4 mois et j’ai enfin pu reprendre le vélo sans craindre de m’effondrer. Avant, un simple tour de tête et c’était le chaos. Maintenant, je vis. C’est pas magique, mais c’est la première fois que je sens que mon cerveau respire.

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    Kika Armata

    octobre 29, 2025 AT 05:30

    Je suis désolée, mais cette approche est tellement réductrice. La flunarizine, c’est le traitement de la génération 90, quand on n’avait pas encore découvert les anticorps anti-CGRP. On parle ici de neurologie de terrain, pas de pharmacologie du XXe siècle. Le vrai progrès, c’est l’individualisation du traitement - pas de mettre tout le monde sur la même pilule parce qu’elle a été testée sur 214 patients dans un essai européen qui n’a pas contrôlé les comorbidités psychiatriques. Et puis, vous omettez délibérément que la flunarizine est interdite aux États-Unis depuis 2007 pour des risques de dyskinesies tardives. C’est une erreur méthodologique majeure de la présenter comme une solution centrale.

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    Rebecca Breslin

    octobre 30, 2025 AT 05:59

    Oh mon dieu oui je suis d’accord avec Kika, mais bonjour la condescendance ! Moi j’ai eu une crise pendant 17 jours en 2021, j’ai tout essayé : kiné, acupuncture, yoga, régime sans glutamate, et la seule chose qui a marché, c’est la flunarizine. J’ai pris 3 kg, j’ai dormi comme une loche, mais j’ai retrouvé ma vie. Vous voulez des alternatives ? Allez voir un neurologue qui sait ce qu’il fait, pas un blogueur qui cite des études de 2023 comme si c’était la Bible.

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    bachir hssn

    octobre 31, 2025 AT 01:49

    La flunarizine est un bloqueur calcique de première génération avec une biodisponibilité orbitale sous-optimale et une affinité disproportionnée pour les canaux L-type du noyau vestibulaire - ce qui explique pourquoi elle surpasse la propranolol en termes de modulation neurovégétative mais échoue sur la dynamique des récepteurs 5-HT1D. Le topiramate, lui, est une arme de destruction massive cognitive. Et vous osez comparer ça à des compléments en B2 ? C’est du charlatanisme émotionnel. La seule voie sérieuse, c’est la neurostimulation vestibulaire transcrânienne couplée à une modulation pharmacologique ciblée. La flunarizine ? Un palliatif du passé.

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    Marion Olszewski

    octobre 31, 2025 AT 05:20

    Je tiens à signaler une erreur orthographique : dans le paragraphe sur les effets secondaires, vous avez écrit « dépression légère » sans accent sur le « e » - ce qui est incorrect en français standard. De plus, la phrase « Elle agit aussi sur les récepteurs de la sérotonine et de la dopamine » est ambiguë : il faudrait préciser « sur les récepteurs de la sérotonine et de la dopamine *du noyau vestibulaire* » pour éviter toute confusion avec les voies mésolimbiques. Enfin, le mot « tyramine » est mal orthographié dans la section « Quand ne pas l’utiliser ? » - il manque un « i ». Ces détails comptent, surtout dans un contexte médical.

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    Albert Dubin

    novembre 1, 2025 AT 13:12

    je viens de commencer la flunarizine et j’ai peur de me réveiller en mode zombie… quelqu’un a testé avec du café ? j’ai lu que le café réduisait l’effet mais j’ai besoin de mon expresso du matin… help ?

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    Shayma Remy

    novembre 3, 2025 AT 11:14

    Le commentaire de Michel Rojo soulève une question essentielle. La consommation de caféine n’interfère pas directement avec la pharmacocinétique de la flunarizine, mais elle aggrave l’hyperexcitabilité corticale, ce qui peut compromettre l’effet prophylactique. Il est recommandé de limiter la caféine à 100 mg/jour - soit une tasse de café filtre - et d’éviter les boissons énergisantes. La caféine n’est pas une contre-indication, mais une variable de risque à contrôler.

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    Neil Mason

    novembre 4, 2025 AT 19:07

    Je suis neurologue à Montréal et je prescris la flunarizine depuis 2018. Ce que je vois, c’est que les patients qui suivent la rééducation vestibulaire en parallèle - même 15 minutes par jour - ont deux fois plus de chances de réussite. La pilule, c’est juste le déclencheur. Le vrai travail, c’est le cerveau qui réapprend à s’équilibrer. Et oui, ça prend du temps. Mais quand ça marche… c’est comme retrouver le silence après un orage. Merci pour ce post, il est clair, précis, et surtout, humain.

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